vendredi 29 janvier 2010

La Berezina

La récente défaite des Eléphants en quarts de finale de la CAN 2010 face à l’Algérie a endeuillé un peuple ivoirien en mal de victoires au plan sportif depuis plusieurs années. Cette défaite est d’autant plus douloureuse que l’on nous avait prévendu, vendu et survendu cette équipe qui était sensée être la favorite du tournoi tant elle regorgeait d’étoiles.

Au moment ou toute la nation est hébétée par cette culture de l’échec qui semble être érigée au rang de standard dans notre football, mon orgueil de pseudo-chroniqueur du football de mon pays devrait me pousser à exhumer mes précédents articles notamment celui ou je serinais que l’absence de Romaric nous serait préjudiciable, mais il y a quelque chose de vulgaire et de pathétique à porter l’estocade à une équipe ou la loose et la guigne le dispute à la faiblesse mentale. Coubertin qui a dit que « l’essentiel est de participer » devait être en réalité ivoirien, et footballeur de surcroît.

Plutôt que de ruer dans les brancards cette génération dont il ne restera dans 10 ans que 2 ou 3 coupures de journaux défraichies et 7 DVD écaillés, il convient d’apprécier froidement les aires d’amélioration de notre football si nous voulons un jour atteindre à nouveau le saint graal, fut-il un CHAN.

A mon très subjectif niveau, je vois 3 niveaux d’amélioration.
1. La refonte de notre championnat national
2. La refonte de la constitution de notre équipe nationale
3. La refonte de notre armature de formation des techniciens

La refonte de notre championnat national
En 1992, nous gagnâmes la CAN avec une équipe composée majoritairement de locaux qui n’avaient pour seule véritable qualité que leur attachement à leur pays. A cette époque et un peu plus tard, nous remportâmes des coupes africaines comme pour valider le projet d’organisation de notre football. Pourquoi ne pas revenir à ces fondamentaux ? Pourquoi ne pas resserrer l’élite à 10 clubs, sursponsorisés et sursubventionnés avec un investissement triennal dans des enceintes belles à vivre pour ramener les gens au stade ? Pourquoi ne pas exécuter un plan Marshall de notre football car le championnat à la Drissa & N’Goran n’assurera jamais une rentabilité alors que plusieurs pays ont montré tout le potentiel économique d’avoir un football organisé et sérieux. L’Egypte avec ses locaux dans son championnat professionnalisé fait figure d’ogre du football africain, trustant les récompenses depuis plusieurs années. Cela devrait être copié.

La refonte de la constitution de notre équipe nationale
Aujourd’hui notre équipe nationale A fait la part belle aux « professionnels ». Si certains comme kader Keita font preuve de courage et de qualité certaine quand ils jouent en grande compétition, beaucoup de ces « vedettes américaines » s’apparentent plus à des marques de lessives et des pompes à vélos que de véritables valeurs ajoutées. Il est assez burlesque de voir que le niveau d’engagement de certains joueurs diffère selon le fuseau horaire. Des joueurs qui jouent petit-bras pendant qu’ils brillent en Europe, cela semble être devenu la seule vérité, au delà des Pyrénées et même du mont Tonkpi.

A la vérité,l’on est tenté de croire qu’une grande partie de ces joueurs assimilent les matches en sélection à des spots promotionnels destinés aux ivoiriens sinon comment comprendre que des soi-disant professionnels menant 2 -1 à 5 minutes de la fin se font rejoindre comme des bambins en OISSU ? le leadership ne consiste pas à tourner seulement dans des téléréalités ou à s’afficher sur des panneaux, il s’agit aussi de prendre ses responsabilités sur un terrain en motivant, en strokant ses partenaires. Et le leadership ne saurait échoir qu’à Didier Drogba seul ! Plusieurs autres joueurs peuvent l’assumer si le capitaine désigné est en deçà des attentes placées en lui. Le mot professionnel qualifie une personne faisant son travail avec ardeur et non un individu jouant en Europe, qu’on se le tienne pour dit ! Préparer des joueurs locaux pour la sélection en plus de s’assurer un groupe cohérent qu’on pourrait regrouper chaque 3 mois localement, permettra en plus d’économiser en billets d’avion car vu le rendement des « pros », la facture des billets d’avion et du carburant de notre Gruman présidentiel tient plus de l’arnaque. Il faut toutefois intégrer certains jeunes talentueux jouant à l’étranger (Tioté, Bamba, Gervinho) ou des vieux baroudeurs (Kader, Yaya à son poste).

La refonte de notre armature de formation des techniciens
Il est une vérité immuable dans notre football : Aucun technicien européen n’a remporté une coupe avec les Eléphants. Magnifier une qualification à une compétition comme summum de la performance tient surement de la culture de la loose indissociable de notre pays.
Plutôt que de nous envoyer des sorciers blancs parfois honnis et vomis dans leur propre patrie, mais toujours insignifiants sur tout leur continent, il conviendrait de former durablement des techniciens locaux en leur donnant la possibilité de faire des stages dans des grands clubs européens, voire d’Amérique latine. On arguera qu’ils ne se feront pas respecter mais je peux donner l’exemple de plusieurs patrons noirs que j’ai eu et que j’ai en entreprise pour lesquels le manque de respect n’est même pas immaginable. Pourquoi cela n’existerait-il pas dans le football ? Les techniciens européens ont montré leurs limites. Faisons confiance aux nôtres. Ou alors, prenons des joueurs qui les respectent, fussent-ils des locaux !

En un mot comme en plusieurs, il est urgent d’agir en profondeur pour notre football plutôt que d’accepter le saupoudrage éternel que chaque année, l’on s’évertue à faire. Au delà du fait de gagner des trophées, ce sport peut être une source de réussite économique pour peu que nous y mettions du sérieux. En attendant, nous irons de bérézina en bérézina car la chronologie de nos 3 dernières participations à la CAN semble être une suite mathématique dont le prochain épisode est une élimination en phase de poule. Je comprends pourquoi une vraie vedette Pato n’aurait jamais pu jouer pour notre pays ; pas besoin, car ils sont déjà suffisamment patauds ces Eléphants… Et oui, un jeu de mots sans inspiration diront certains, mais c’est tout ce qu’ils m’inspirent ces pachydermes…